dimanche 25 novembre 2007

Sur les traces d'Aphrodite - Rencontre avec l'Ambassadeur de Chypre en France


Le 22 novembre dernier, les étudiants du master "Carrières Internationales" recevaient Son Excellence Monsieur Pericles Nearkou, Ambassadeur de Chypre en France. Occasion pour chacun de faire plus ample connaissance avec cet Etat membre de l'Union européenne à la croisée des civilisations depuis des millénaires et éminemment stratégique de par sa situation exceptionnelle en Méditerranée orientale.

Après un bref panorama sur l'histoire insulaire et un rappel du profond attachement du gouvernement chypriote aux valeurs européennes, la discussion s'est naturellement portée sur le différend qui oppose Chypre à la Turquie, relatif à l'occupation depuis 1974 par l'armée turque de 37 % du territoire chypriote. Il fut notamment question du plan Annan reposant sur la création d'une entité fédérale et des raisons de son rejet par la population chypriote grecque lors du référendum du 24 avril 2004 (inversion « inacceptable » du schéma victime/occupant, présence de trois juges étrangers au sein d'une Cour suprême disposant de pouvoirs exécutifs et législatifs au mépris de la souveraineté nationale).

Il a également souligné l'importance des relations franco-chypriotes, principalement des coopérations universitaires et du réseau de la Francophonie.

samedi 17 novembre 2007

Conférence de l'ambassadeur de Chypre le 22 novembre

Après avoir tenu une conférence ouverte le matin, Son Excellence Monsieur Pericles Nearkou, Ambassadeur de Chypre en France, viendra s'entretenir avec les étudiants du master dans l'après-midi du jeudi 22 novembre.

Annulation de la journée d'études du 20 novembre: "A l'Est de l'Europe: de la "souveraineté limitée" au voisinage partagé"

Intervenants initialement prévus : Silvia Serrano, Françoise Daucé, Frédéric Charillon, Christine Bertrand, Céline Bayou, Jean-Pierre Massias, Anne de Tinguy, Isabelle Facon, H. Derrouich, Laure Delcour, Marie-Elisabeth Baudoin, Klaus Giesen, Olga Belova, Anaïs Marin.

jeudi 8 novembre 2007

Présence et action de la France aux Nations-Unies

La France a assuré la présidence du Conseil de Sécurité en septembre 2007. Elle est un membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, et a donc un droit de véto. Elle l’utilise cependant peu, seulement 18 fois depuis le début de l’ONU, contrairement à la Russie (122) et aux USA (81).

Les grands défis français : une meilleure prise en compte de l’ONU dans les débats internationaux, notamment le conflit israélo-palestinien, la souveraineté de l’Irak, des relations privilégiées avec l’Afrique et une aide à l’Afghanistan. Cependant depuis l’ère Sarkozy, le gouvernement français cherche surtout à rendre plus efficace et légitime l’organisation internationale. Comment la France rend-elle compte de cette thématique à l’ONU?

Les acteurs : France / ONU, une présence relative

· Participation dans les organes

Actuellement, il y a 16 participations permanentes de la France aux NU comme par exemple au Conseil de Sécurité, à la commission sur le désarmement, comité du HCR, CNUCED, Comité des OMP, comité spécial visant à éliminer le terrorisme international.

14 participations dans les organes soumis à vote et mandat dans les NU, et 2 dans des organes dépendant des NU.

Participation non permanente de la France dans les organes des Nations Unies

Nom de l’organe

Fin de mandat

Noms des personnalités françaises

Activités aux NU

Organisation mondiale des douanes

juin-08

Michel Danet, Secrétaire général

Postes de chef d'agence

Union postale universelle

déc-08

Edouard Dayan, Directeur général

Cour internationale de justice

janv-09

Ronny Abraham

Experts aux Nations Unies

Droits de l’homme (Comité)

déc-07

Christine Chanet

Droits économiques, sociaux et culturels (Commission)

déc-07

Philippe Texier

Élimination discrimination envers les femmes (Comité)

2008

Françoise Gaspard

CCVINU

nommée en 2000

Thérèse Delpech

Comité du Contre terrorisme

depuis le 07/01/02

Joël Sollier

Conseil consult. questions désarmement


Pascal Boniface

Corps commun d’inspection

2006-2010

Gérard Biraud

Conférences (Comité)

déc-08


Participation de la France dans les organes des NU

Développement durable (Commission)

avr-08


Développement social (Commission)

déc-07


Droits de l’homme (Commission)

déc-07


Établissements humains (Commission)

déc-08


Statistique (Commission)

déc-09


Stupéfiants (Commission)

déc-07


Tribunal administratif

2007

Brigitte Stern

Juges aux Nations Unies

Tribunal international du droit de la mer

sept-11

Jean-Pierre Cot

Tribunal pénal international ex-Yougoslavie

nov-08

Jean-Claude Antonetti

Département des OMP


Jean-Marie Guehenno

Secrétariat des Nations Unies

Caisse commune des pensions des Nations unies


Bernard Cocheme

Porte-parole du secrétaire général


Stéphane Dujarric de la Rivière












































2 postes de chefs d’agence, 11 postes de juges et experts et 3 postes au secrétariat des NU.

Mais trop faible pour avoir un poids effectif

Solutions : Certes, la France a des positions permanentes, mais il faut encore former des experts prêts à s’engager aux NU et à faire un travail de recherche sur les domaines dont a besoin l’organisation. Il faut aussi former les Français à l’anglais, et les rendre bilingues, afin de les rendre immédiatement opérationnels dans les deux langues de travail à l’ONU.

Ouvrir plus de parcours menant à l’international dans les universités, et les préparer à faire ce travail d’expertise.

· Des contributions importantes au budget de l’ONU :

Après la réforme de 2000 sur le barème des contributions, la France est le 5e contributeur au budget organisationnel de l’ONU (budget ordinaire, maintien de la paix, tribunaux internationaux).

En 2005 : 421,78 millions d’euros de contributions obligatoires pour la France.

Le pourcentage des dix premiers contributeurs au budget ordinaire de l’ONU en 2005 :

1

Etats-Unis

22%

2

Japon

16.62%

3

Allemagne

8,58%

4

Royaume-Uni

6,64%

5

France

6,30%

6

Italie

5.08%

7

Canada

2,98%

8

Espagne

2,97%

9

Chine

2,67%

10

Mexique

2.26%

Budget ordinaire de l’ONU en 2005 avec les 10 premiers contributeurs représentent 76% du budget global de 2 milliards de dollars.

Cependant elles sont moins importantes que d’autres pays ne siégeant pas au conseil de sécurité

Malgré le système de barème de participation, le moindre financement français peut rendre la présence de la France au conseil de sécurité moins légitime, et la demande de réforme pour une augmentation des membres avec droit de véto est compréhensible. La France doit donc plutôt continuer sur la voie de la réforme afin de garder un rôle prépondérant dans l’organisation. Notamment en plaidant pour l’entrée au Conseil des pays économiquement fort comme l’Allemagne et le Japon ; mais aussi des pays d’Afrique, où elle a des intérêts importants qui lui seront facilités grâce à cette prise de position.


Sur un autre registre, les entreprises françaises ont tout intérêt à rester sur le marché de l’ONU. Elle est le 3e fournisseur de biens et services à l’ONU en 2004. Plusieurs marchés sont détenus par des entreprises françaises, notamment pour l’UNICEF pour qui elle est le deuxième fournisseur avec un volume d’achat en 2004 de 72 millions de dollars. C’est un partenaire financier fort.

L’action de la France aux Nations Unies demande une plus grande coordination

· Les opérations militaires françaises avec l’ONU

Sa participation financière se chiffre à 270 millions d’euros en 2006 et prévisionnellement à 300 millions d’euros en 2007 (en raison des nombreuses nouvelles opérations : Timor, Liban, Darfour) pour un total de 5 milliards d’euros du budget des OMP. Quote part de la France : 7,5%.

La France est le premier contributeur de personnels aux OMP parmi les membres permanents avec 2000 employés actuellement, et se place au 10e rang parmi tous les contributeurs.

Ses participations les plus importantes sont au Liban avec 1614 militaires au sein de la FINUL. En Afrique, 232 personnes employées en tant que militaires, policiers ou observateurs militaires. Les forces déployées les plus importantes sont en Côte d’Ivoire (197). Il y a aussi majoritairement des observateurs militaires (28) en Ethiopie-Erythrée, Liberia, RD Congo, Sahara occidental. En Amérique, la seule participation est en Haïti avec une majorité de policiers (78). Le Kosovo et la Géorgie reçoivent 50 personnels français, surtout des policiers (47).

Cependant ces opérations sont regroupées avec d’autres organes, ce qui ne renforce pas la légitimité de l’ONU en tant que seule force internationale d’intervention

La France déploie aussi des forces dans ces régions avec d’autres organismes comme l’Union Européenne pour la Bosnie et le Congo (EUFOR Althéa et EUPOL Kinshasa), l’OTAN, pour le Kosovo et l’Afghanistan.

Rôle spécial en Afrique pour le maintien de la paix.

Le projet RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) développé en 1997, cherche à remplir trois objectifs : formation, entraînement et soutien d’une force africaine de maintien de la paix. Celui-ci se fait sous la direction du conseil de sécurité, et se fait en partenariat avec l’UE et l’Union Africaine. Une école politique en Afrique a aussi été mise en place.

· Une présidence française qui se veut présente sur tous les fronts d’actualité lors de sa présidence :

LIBAN - Elle s’occupe des conflits immédiats : tribunal spécial chargé de l’enquête sur l’assassinat de Rafik Hariri, condamnation de l’attentat contre le député libanais Antoine Ghanem, promotion d’une élection présidentielle le 23 octobre selon les processus constitutionnels.

BIRMANIE - Elle condamne le régime birman, et appelle à ouvrir le dialogue avec l’opposition. Le conseil de sécurité a réussi à envoyer un message officiel et unanime au régime birman condamnant les répressions du régime face au mouvement d’opposition le 11 octobre 2007. Ce texte a été initié par la France, le Royaume Uni et les USA.

IRAN - Sa position sur l’Iran : Même si le nucléaire civil n’est pas exclu, « Pas d’arme nucléaire pour l’Iran », a dit Sarkozy lors de la 62e assemblée générale des NU. Si l’Iran le fait, une résolution de sanction au Conseil de sécurité sera votée et il pourrait aussi y avoir des représailles de la part de l’UE. Renforcement des sanctions voulu par la France. La France a changé de position depuis l’ère Chirac, qui défendait les intérêts pétroliers de la France dans la région. Elle s’est rapprochée des positions américaines sur la question en allant au-delà des positions de l’ONU. Perte de crédibilité sur la scène internationale en tant que négociatrice car elle brandit trop haut le pouvoir de sanction.

AFRIQUE - La France profite de sa présidence pour rappeler les conflits au Soudan, le Tchad et la République Centre Africaine.

TCHAD ET RCA - Résolution 1778 du 26/09/07: déploiement d’une présence internationale à l’est du Tchad et au nord est de la RCA prévue fin octobre après les pourparlers en Libye en vue de négociations entre Soudanais.

DARFOUR - La France condamne les attaques dont les soldats de l’Union Africaine ont été victimes au Darfour, et appelle à l’application de la résolution 1769 (déploiement d’une force hybride NU/UA au Darfour pour le maintien et respect de la paix). Prolongement du rapport d’experts jusqu’à fin septembre 2008 sur la situation.

- Elle traite aussi les dossiers récurrents :

CONFLIT ISRAELO-PALESTINIEN - Renforcement des relations bilatérales avec Israël surtout depuis l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Fin d'une politique « pro-arabe », mais conservation de relations privilégiées. Soutien des forces politiques « modérées » palestiniennes en vue de la création d'un Etat palestinien viable vivant en sécurité avec Israël. Rejet du hamas. Visite de B. Kouchner au Proche-Orient du 10 au 13 septembre qui a promu une reprise des négociations. Préparation d’une conférence de paix aux USA en novembre.

AFGHANISTAN - Renouvellement le mandat de la force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan.

Mais elle ne croit pas forcément à la force de l’ONU

Sarkozy et Kouchner ont un discours commun sur l’ONU. Ils font part de leur inquiétude pour la légitimité et efficacité des institutions internationales lors du discours de la 15e conférence des ambassadeurs au palais de l’Elysée le 27 août 2007. « La politique et l’armée doivent être beaucoup mieux liées ». Que ce ne soit pas seulement des opérations militaires, mais que ce soit plutôt des actions réfléchies. Kouchner appelle à ce que l’ONU soit plus forte pour garder cette légitimité, pourtant, la France s’est engagée dans la résolution de conflits (Iran, conflit israélo-palestinien) en dehors de l’ONU.

Solutions : Il faut donc que le gouvernement français se montre plus positif envers l’ONU pour la légitimer aux yeux de l’opinion publique. Ainsi elle pourra imposer ses idées plus facilement. La France a tout intérêt à favoriser l’ONU, seule organisation qui est légitime pour intervenir militairement dans les pays.

- La France doit aussi apprendre à coordonner ses ministères lors de séances de travail à l’ONU. Certes le MAE est très efficace, mais les autres ministères importants tels que Eco et Fi, industrie s’allient surtout en matière de politiques économiques et sociales. Il faut plus d’expertise sur ces sujets.

La France dans l’Union européenne : réseaux, influence, action

La victoire du non (54,68%) au référendum pour le traité constitutionnel européen a plongé la France et plus largement l’Union européenne dans un blocage institutionnel et politique. Le deuxième mandat de l’ancien président Jacques Chirac a été marqué par un faible leadership et par une multiplication des conflits avec ses partenaires européens qui ont eu pour conséquence l’isolement de la France. L’Union européenne est dans une impasse et certains voient dans l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy la possibilité de relancer l’Europe et de redonner à la France son rôle moteur historique dans la construction européenne, notamment avec la proposition d’un « mini-traité » pour une relance institutionnelle de l’UE.

  • La France dans l’UE : un pilier économique, politique, démographique et militaire

1) un pilier économique : La contribution au budget de l’UE de chaque pays est fonction de la richesse et de la taille du pays. La France est le deuxième contributeur net au budget de l’Union européenne (16,43% du budget 2006) derrière l’Allemagne (20,56%). Viennent ensuite , l'Italie avec 13,70 % et le Royaume-Uni avec 12,36 % (correction britannique, depuis l'accord de Fontainebleau de 1984, comprise).


2) un pilier politique et diplomatique : La France possède 78 sièges au Parlement sur 785 soit un pourcentage de 9,93% du total des sièges et 29 voix au Conseil soit 8,41%. Ces chiffres vont se transformer notamment avec l’accord trouvé à Lisbonne les 18 et 19 octobre dernier sur le « traité simplifié ». Dès la nouvelle legislature en 2009, la France aura 74 sièges au Parlement sur un total de 750 ce qui ramène à 9,86% du total des sièges. Par contre, la France du fait de sa force démographique bénéficiera d’une revalorisation de sa position au Conseil grâce au système de double majorité[1] qui devrait être mis en place en 2014.

Diplomatiquement, même si on est loin de la période où la France a présidé pendant 10 ans la Commission avec Jacques Delors (1985-1995), elle maintient toujours une forte présence diplomatique en placant ses fonctionnaires européens à des postes stratégiques :


Organe

Noms des personnalités françaises

Fonctions






Commission

Jacques Barrot

Vice président, chargé aux transports



Hervé Jouanjean

Secretaire général adjoint






Directeurs généraux

Jean-Luc Demarty

agriculture


Odile Quintin

culture et éducation


Robert Verrue

fiscalité et union douanière


Hérvé Carré

Eurostat


Claude Chêne

Personnel et administration


Michel Petit

Service juridique, dirige les travaux de rédaction du traité simplifié






Conseil de l'UE

Pierre de Boissieu

Secretaire général adjoint



Jean-Claude Piris

Chef du service juridique






BCE

Jean-Claude Trichet

Président


Comité militaire de l'UE

Général Henri Bentégeat

Président


Comité des Régions

Michel Delebarre

Président



3) une puissance démographique : la France avec 63,8 millions d’habitants est le deuxième pays le plus peuplé de l’UE derrière l’Allemagne (82,4 millions). La France rassemble 14,3% de la population de l’UE.


4) une puissance militaire : la France est la deuxième puissance militaire dans l’UE derrière la Grande Bretagne. Ils sont les deux seuls pays de l’UE à posséder l’arme nucléaire.


  • Le couple franco-allemand

Difficile d’évoquer la France dans l’UE sans évoquer l’Allemagne car la France et l’Allemagne sont historiquement le couple moteur de la construction européenne, tandem institutionnalisé par le traité de l’Elysée de 1963.

- Konrad Adenauer et Charles de Gaulle (1958-1963)

- Willy Brandt et Georges Pompidou (1969-1974)

- Helmut Schmidt et Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981)

- Helmut Kohl et François Mitterrand (1982-1995)

- Gerhard Schröder et Jacques Chirac (1998-2005)

- Angela Merkel et Nicolas Sarkozy (2007- ?)

Angela Merkel qui mène une politique étrangère active et décomplexée de son passé s’éloigne de la position traditionnelle de soutien à la politique française. La chancelière allemande cherche à se distancier du couple franco-allemand et tente d’asseoir une nouvelle influence sur ses partenaires européens. On est loin du couple Schröder et Chirac qui avait fait bloc lors de la crise irakienne, contre leurs partenaires européens. Aujourd’hui l’Allemagne est agacée par l’attitude du président français notamment lors de la crise des infirmières bulgares ou lorsque Nicolas Sarkozy critique unilatéralement la politique de l’euro fort de la BCE pour qu’elle fasse en sorte de réduire la valeur de l’euro pour faciliter les exportations françaises. D’un point de vue personnel et diplomatique donc, le couple franco-allemand incarné par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ouvre une nouvelle période pour le tandem, qui de toute façon ne peut plus être l’élèment moteur de la construction européenne dans une Europe élargie.


  • La France et l’élargissement de l’UE

Entre 2004 et 2007, 12 nouveaux pays essentiellement de l’Europe centrale et orientale (PECO) ont intégrées l’UE. Cet élargissement est au fondement d’une évolution des rapports de force en Europe dans lesquels la France semble perdre son statut de moteur dans la construction européenne. Géographiquement d’abord, l’élargissement à l’Est éloigne la France du centre de gravité européen. Et diplomatiquement ensuite, l’UE ne peut plus fonctionner autour d’un couple moteur unique comme l’a été le couple franco-allemand. La France n’a plus le même pouvoir dans une Europe à 12 que dans une Europe à 27. Il est nécessaire pour la France de multiplier son influence aux autres pays européens. La France doit se tourner vers la GB pour les questions de défense, vers les pays de l’Europe du Sud pour une coopération renforcée avec le continent africain sur les questions d’immigration notamment. De plus, une politique énergétique ne se fera pas sans le soutien de certains pays influents de l’Europe de l’Est comme la Pologne. La France doit donc réfléchir à de nouvelles stratégies d’influence pour maintenir sa position dans l’UE. La question de l’élargissement à la Turquie et aux Balkans est aussi un futur enjeu pour Nicolas Sarkozy qui s’oppose à la candidature turque. Le président français veut dans cette thématique de l’élargissement créer un « comité des sages » pour dresser entre autre les frontières de l’Europe.


  • Les grands dossiers de la France

La France a incontestablement fait son empreinte sur l’architecture institutionnelle et politique de l’UE, et si de nos jours cette dominance de jadis semble irréversiblement érodée, Paris continue d’influencer et d’orienter la construction européenne, notamment à travers les grands dossiers qui lui tiennent à cœur.

1) L’Europe politique : regarder l’Europe comme une construction avec une finalité politique qui mène au-delà des aspects purement économiques, était toujours marquant pour la politique européenne de la France. Quand même ne faut-il pas oublier le dilemme qui était lui aussi toujours présent entre la volonté d’une leadership dans une Europe forte mais nécessairement plus fédérale, et la crainte de diluer, de perdre sa souveraineté et son indépendance dans une telle Europe. (Ce dilemme a été marqué d’une manière dramatique au référendum du 29 mai 2005). A ce dilemme s’ajoutent les difficultés à définir cette finalité ensemble avec les partenaires européens. Quelle Europe veut-on : une Europe à la française, à la britannique ou à l’allemande ?

2) L’Europe de la défense : incontestable puissance militaire européenne, la France a toujours voulu faire de l’Europe une Europe-puissance ou une Europe de la défense, prolongement de ses visions et de ses ambitions, « un des pôles dans un monde multipolaire », qui était toujours un point de tensions avec les partenaires plus atlantistes. Le lancement de la PESC et de la PESD avait comme mission aussi de contrebalancer la perte de poids de la France dans l’ère post-bipolaire contre une Allemagne émancipée et désireuse de redresser les équilibres continentaux. Malgré les avancés dans ce domaine et les succès français d’orienter l’action extérieure de l’UE (Congo, Darfour, RCA-Tchad), l’avenir de l’Europe de la défense reste incertaine. S’ajoute aussi tout naturellement la vision d’une Europe spatiale, porteuse des ambitions françaises dans l’espace, qui montre un bilan aussi ambigu (avec le succès de l’Ariane et avec les difficultés de Galileo notamment) que le reste du concept de l’Europe de la défense.

3) La politique agricole commune : unique politique incontestablement communautaire et prégnante dès le début sur la construction européenne, la défense des intérêts de l’agriculture française était toujours prioritaire pour la France. Deuxième exportateur des produits agro-alimentaires et dotée d’un leader particulièrement attaché à l’agriculture, la France de Jacques Chirac, désireuse de conserver ses privilèges et ses acquis en ce domaine, s’est naviguée peu à peu dans l’isolation à l’envers de ses partenaires européens. Nicolas Sarkozy, tout en restant défenseur des intérêts agricoles, se veut comme initiateur de la nouvelle réforme de la PAC, ainsi pouvant influencer les contours de cette dernière.

4) Le renouveau de la structure institutionnelle : la réforme institutionnelle rendue nécessaire à cause des futurs élargissements de l’UE n’était achevée que partiellement avec le traité d’Amsterdam et celui de Nice, et le refus du traité constitutionnel menaçait l’Europe des 27 d’une véritable crise institutionnelle. Le « mini-traité » (ou « traité simplifié/réformateur/modificatif ») proposé par le président Sarkozy avait pour but de rendre l’Europe plus efficace et plus flexible à l’intérieur comme à l’extérieur (présidence permanente, haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le nouveau système de vote à double majorité, l’extension du vote à majorité qualifiée, etc.), ce qui semble atteint après le sommet de Lisbonne du 18-19 octobre 2007. L’objectif de l’autre réforme importante de ces dernières années, celui de la coopération renforcée, était d’empêcher un éventuel blocage de l’UE en créant un groupe du « vouloir vivre ensemble » et un autre du « vouloir agir ensemble », tenant compte des différences entre les pays membres concernant leurs capacités et leur volonté de s’impliquer dans les projets de l’UE.

5) L’Europe sociale et culturelle : confrontée à son déclin dans les composantes de la puissance dure (« hard power »), la France s’efforce de mettre en jeux sa puissance douce (« soft power »), notamment en projetant son modèle sociale et culturelle sur l’Europe, constituant ainsi un bastion contre le néolibéralisme anglo-saxon et l’américanisation des cultures. Ses efforts restent tout de même fragiles compte tenu des problèmes d’adaptation du modèle social français à la mondialisation, mettant en cause l’exemplarité de ce dernier.

6) M. Sarkozy, lors de son discours du 27 août devant les Ambassadeurs de France, avait mentionné trois autres domaines qui seront aussi à l’agenda de la présidence française : la politique de l’immigration, la politique énergétique et la politique environnementale. La première étant inspirée par les difficultés réelles auxquelles les pays de l’Europe occidentale se trouvent confrontés à cause de la pression d’immigration des pays du Sud et les incontestables problèmes de l’intégration ; la deuxième désireuse d’ouvrir un débat général sur les futures sources énergétiques de l’UE ; la troisième faisant face aux problèmes très complexes comme la pollution, la soutenabilité de la croissance économique ou le changement climatique.

La France prendra la présidence de l’UE au deuxième semestre 2008. C’est l’occasion pour le président français de mettre en œuvre ses promesses de « retour de la France dans l’UE ». Mais pour être un modèle en Europe, la France doit d’abord prouver la viabilité de ses réformes économiques internes. Le président français doit aussi apprendre à jouer la carte du multilatéralisme pour ne pas se mettre ses partenaires à dos. Il y a un danger potentiel que l’éventuel irritation que pourrait avoir comme conséquence le « style Sarko », celui de l’ « hyperprésident » parmis certains partenaires européens, pourrait ramener la France dans l’isolement d’où elle vient de sortir.



[1] Le traité simplifié prévoit d'introduire à partir du 1er novembre 2009 un nouveau système de majorité qualifiée basée sur une double majorité : celle des États membres et celle des citoyens. La majorité qualifiée sera alors atteinte lorsqu'une décision réunira 55 % des États membres (avec un minimum de 15 États) représentant au moins 65 % de la population de l'Union.